FOCUS RÉGIONAL: MONTÉRÉGIE. Affirmer que l'économie de Sorel-Tracy repose en bonne partie sur la transformation métallique serait un euphémisme. «On estime que le poids de cette industrie dans l'économie locale est d'un peu plus de 50 %. C'est majeur !», affirme Jacques Thivierge, commissaire industriel de la Ville de Sorel-Tracy. Le pilier de ce secteur a pour nom Rio Tinto Fer et titane, qui exploite un vaste complexe métallurgique qui produit du dioxyde de titane, de la fonte brute, de l'acier et des poudres métalliques. En 2020, l'entreprise soufflera d'ailleurs ses 70 bougies.
À elle seule, l'ancienne Q.I.T. (pour Quebec Iron and Titanium) emploie 1 400 personnes dans cette région d'environ 42 000 habitants. Tout autour de ce mastodonte gravitent maintes firmes de consultants et de sous-traitants, lesquelles représentent d'innombrables gagne-pain. «On parle d'entreprises comme Fabtech et Acier Richelieu, d'ateliers d'usinage qui créent une chaîne de valeur... S'il fallait qu'un autre procédé de fabrication de dioxyde de titane pour l'industrie du pigment soit découvert, ce serait une catastrophe pour Sorel-Tracy», admet Jacques Thivierge.
La situation ailleurs en Montérégie est fort semblable. Selon le ministère de l'Économie et de l'Innovation, la région regroupait 21 % des entreprises métallurgiques du Québec en 2018, avec environ 750 entreprises. Cette dynamique industrielle est portée par la présence d'employeurs importants, comme Pratt & Whitney Canada, ArcelorMittal et General Electric Canada. À eux seuls, ces poids lourds emploient 8 500 travailleurs, soit 26 % de la main-d'oeuvre de l'industrie métallurgique en Montérégie, par ailleurs la deuxième région administrative manufacturière de la province après Montréal.
Des enjeux multiples
Le Réseau de la transformation métallique du Québec (RTMQ), basé à Longueuil, s'adresse à l'industrie de la transformation, ainsi qu'aux fabricants, distributeurs et fournisseurs qui la desservent. Grâce au fond de créneau ACCORD, il a accès à un fond qui lui permet de financer des projets structurants, principalement auprès de 200 entreprises de taille moyenne. «Notre objectif est d'aider les PME à tirer leur épingle du jeu. Cela passe souvent par des projets menés en collaboration avec de grands joueurs», précise Frédéric Chevalier, directeur général du RTMQ.
Ces années-ci, l'industrie de la transformation métallique a été confrontée à un problème de ressources humaines. Dans son diagnostic publié en 2019, le Comité sectoriel de la main-d'oeuvre dans la fabrication métallique industrielle y fait par exemple état de près de 6 400 postes à pourvoir dans l'ensemble du Québec. «Nous n'avons pas assez de métallurgistes qui sortent des bancs d'école. Il nous faudrait en outre 1 000 soudeurs demain matin», déplore-t-il.
Parmi les autres problèmes, il y a celui de la trop grande dépendance au marché nord-américain. Celle-ci a d'ailleurs été mise en relief par l'imposition de tarifs douaniers par les États-Unis aux importations d'acier et d'aluminium en provenance du Canada, en 2018 et 2019. Bien que ces surtaxes aient été levées à la fin de l'année dernière, cet épisode a éveillé les consciences. «Cela a forcé l'industrie à tourner son regard vers d'autres marchés, comme celui de l'Europe, avec qui on vient de signer un très bel accord de libre-échange», analyse l'expert
Se démarquer dans le marché
Dernier problème, mais non le moindre : un déficit en innovation, qui se traduit par la tendance qu'ont les sous-traitants et fournisseurs d'attendre les commandes de la part des donneurs d'ordre. Pour briser ce cercle vicieux, synonyme de grande vulnérabilité pour les PME, le RTMQ encourage celles-ci à développer de nouveaux produits à valeur ajoutée. «Ce faisant, le sous-traitant se positionne avantageusement par rapport au donneur d'ordre. Le jour où ce dernier passe en production de plus grands volumes, il sait à qui s'adresser», explique Frédéric Chevalier.
C'est ce qu'a fait le Groupe Tremblay, de Saint-Anicet, en mettant au point un robot soudeur flexible qui utilise la technologie du soudage par friction malaxage où la fusion est exempte. Grâce à ce robot unique au monde, l'entreprise d'une centaine d'employés est venue à bout de la corrosion sur des plaques d'aluminium de grandes dimensions. «Notre but était de valoriser des plaques en aluminium utilisées pour la fabrication de plaques cathodiques dans le procédé d'électrolyse du zinc», précise Gail Comeau, la tête pensante du projet chez Groupe Tremblay. Depuis sa mise en service à la fin 2014, la cellule robotique a réalisé avec succès 30 000 soudures pour le compte de clients comme CEZinc.