L’entreprise spécialisée dans la transformation du métal en feuilles fabrique des composantes pour des multinationales telles que Volvo et Bombardier. Que ce soit des composantes de bennes à ordures, de rampes pour personnes en situation de handicap ou de simulateurs de vol, chaque mois, plus de 150 000 pièces y sont fabriquées.
En 2002, la crise du SRAS venait de frapper l’Asie et menaçait le continent américain. «On a pris bonne note de ce qu’on aurait besoin, c’est-à-dire des masques, un système de lavage de mains. Le plan d’action avait été établi, mais on ne l’avait pas ressorti», entame le président.
Quand la COVID-19 est arrivée au Canada, le plan d’action était prêt, et le système informatique pour le télétravail, à point. «On n’est jamais préparé pour une pandémie, mais là, on avait une longueur d’avance.»
Deux jours de fermeture plus tard, question d’adapter les installations, les opérations avaient recommencé graduellement. «Certains secteurs ont rebondi, d’autres sont en croissance», précise-t-il.
Louis Veilleux est tout sauf conventionnel dans son approche managériale. Celui qui est parti en sac à dos à travers le monde après le cégep admet que son «background» atypique reflète sans aucun doute son style de direction ludique.
LE SOLEIL, FRÉDÉRIC MATTE
Des 50 millions de chiffre d’affaires, cinq millions seront perdus cette année en raison du secteur de l’aéronautique en difficulté. Ces clients ont même demandé des extensions de paiements. Résultat : huit simulateurs de vols demeurent en stock, en attente d’être livrés.
Ce ralentissement a toutefois permis de se concentrer sur l’amélioration des installations et des pratiques.
Travail d’équipe
M. Veilleux est tout sauf conventionnel dans son approche managériale. Celui qui est parti en sac à dos à travers le monde après le cégep admet que son «background» atypique reflète sans aucun doute son style de direction ludique.
Chaque trimestre, des initiatives thématiques destinées aux employés sont instaurées afin d’obtenir des propositions d’amélioration : «chasse aux monstres», «feed the machine» ou «cartes synchro».
Résultat : des centaines de propositions sont parvenues à la direction. Du changement de la luminosité dans l’usine à la fabrication de composantes sécuritaires pour empêcher le bris des machines, à l’assemblage d’un module pour faciliter certaines tâches.
Des initiatives particulièrement importantes en temps de pandémie. «Au cours du dernier trimestre, notre production ralentissait en raison de l’aéronautique. On a voulu garder nos membres d’équipe en poste et occupés. Donc, lorsqu’il y a moins de travail, c’est le temps de mettre sur pied des projets d’amélioration.»
Des méthodes ludiques, mais qui fonctionnent, assure-t-il. Ce trimestre, 88 % des employés ont participé à la «chasse aux monstres». Les monstres étant les faiblesses de l’entreprise à perfectionner.
Métal Bernard fabrique des composantes pour des multinationales telles que Volvo et Bombardier.
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Métal Bernard fait aussi partie du Groupe Mundial, qui réunit sept entreprises de sous-traitance industrielle. Celles-ci transforment soit le métal ou le caoutchouc, ou se spécialisent dans l’usinage ou la fabrication des composantes de pièces automobiles.
Une «collaboration» qui s’est avérée bénéfique durant la pandémie. Au lieu d’être en compétition les unes avec les autres, les entreprises se sont serré les coudes.
Par exemple, Normandin inc., une entreprise spécialisée dans la transformation du métal, a beaucoup plus souffert que Métal Bernard. Certaines tâches y ont donc été transférées. «C’est comme si on était une grande famille et qu’il y avait un de nous qui n’allait pas bien. Il y a eu beaucoup d’entraide.»
Mais cette entraide, précise M. Veilleux, datait d’avant la pandémie. «Ce regroupement nous permet aussi de nous payer les meilleurs formateurs et des bureaux à l’étranger, de prêter des employés et de partager nos expertises. C’est comme un centre d’informations.»
Parité souhaitée
Malgré le ratio de 15 femmes pour 140 employés dans l’usine, M. Veilleux espère atteindre la parité. Un objectif réalisable, mais à long terme. Car l’image du travail en usine est «ternie».
Selon lui, des femmes manuelles se réalisent beaucoup plus si elles travaillent dans des domaines manuels. «Il y a 50 % de femmes dans la société, pourquoi pas dans nos usines aussi? C’est mathématique.»
La plupart des femmes de l’usine sont affectées à l’expédition, sauf Mélody Blackburn, l’une des rares affectées à la soudure.
Malgré le ratio de 15 femmes pour 140 employés dans l’usine, Louis Veilleux espère atteindre la parité à long terme.
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La femme de 23 ans avait entamé des études en langues au cégep, pour vite se rendre compte qu’elle ne serait pas heureuse dans un bureau. À la suite d’une recommandation de son oncle, qui lui avait dit qu’il l’a voyait dans un travail plus manuel, Mélody a participé à l’activité Étudiant d’un jour. «J’ai trippé la première journée. J’ai tout de suite adoré.»
Elle a donc entamé un DEP en soudage-montage au Centre de formation professionnelle de Québec. Dans sa cohorte, ils n’étaient que deux femmes. «Dans mes cours, on disait aux femmes de prendre leur place et de ne pas se laisser marcher sur les pieds.»
Mélody est bien consciente qu’elle navigue dans un univers majoritairement masculin. «C’est stressant au début. J’avais la pression d’être aussi bonne que les hommes, même si je n’ai pas nécessairement le gabarit. Parfois, je sentais que je devais me prouver, parce que je suis une femme.»
Elle a ensuite été embauchée chez Métal Bernard en 2017. «On n’a pas besoin d’être fort pour la soudure. D’autres qualités comme la minutie, la patience et la discipline entrent en jeu. La force physique n’est vraiment pas le seul préalable.»
Fait-elle une meilleure job que d’autres? «Honnêtement, oui, répond-elle en toute humilité. Parfois, je vais travailler sur le plus gros module de l’usine, toute seule.»
M. Veilleux confiera plus tard qu’elle est l’une des meilleures soudeurs de l’usine.
«Sky is the limit»
Ce dernier plaide aussi pour une plus grande diversité au sein de son équipe. D’ailleurs, huit nouveaux employés se sont joints à eux dans les dernières semaines, dont quatre Maghrébins.
M. Veilleux ajoute qu’il reste encore une vingtaine de postes à pourvoir. La pénurie de main-d’œuvre touche l’ensemble du Québec et Métal Bernard ne fait pas exception.
Pour faire face à ce fléau, l’entreprise a ouvert un bureau en Tunisie l’an passé. Pour l’instant, quatre employés y ont été recrutés pour des tâches d’estimation, de dessin et d’ingénierie. Le succès de ce bureau ouvre la porte à d’autres embauches. «Sky is the limit, lance M. Veilleux. Pourquoi pas? Ce sont des gens éduqués, ils parlent français et la connexion Internet y est bonne.»
Une initiative qui, selon lui, évite le «braindrain» des pays en développement, c’est-à-dire la fuite des talents vers les pays plus développés.
Des 50 millions de chiffre d’affaires, cinq millions seront perdus cette année en raison du secteur de l’aéronautique en difficulté.
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Un autre projet dans la mire de Métal Bernard et de son partenaire IMA (International Manufacturing and Assembly), spécialisé dans la conception de pièces automobiles, est d’ouvrir un bureau en Albanie, en Europe de l’Est. Cette filiale fabriquera des composantes pour les clients européens et nord-américains. Un bureau beaucoup plus gros que celui de Tunisie qui rassemblera une centaine d’employés. Pour quand? Le plus tôt possible.
Et quels sont ses plans pour la suite? À court terme, remplacer les pertes en aéronautique par d’autres marchés moins stagnants. Et à long terme, augmenter les exportations. Car le marché québécois et canadien est saturé.
Le président souhaite aussi développer le secteur de l’environnement, notamment des technologies vertes : moteurs électriques, chargeurs de voitures électriques. «On en fait déjà, mais pas assez pour se péter les bretelles. C’est un domaine prometteur.»